Si elles ont parfaitement réagi à la mort récente d’un supporter, les instances de la discipline ont peiné, ces derniers mois, à corriger l’image dégradée du roi des sports par une communication efficace.
Le football français vit un paradoxe. En dépit de résultats somme toute honorables (l’équipe de France est qualifiée pour sa quatrième Coupe du monde d’affilée, deux clubs, Bordeaux et Lyon, en lice pour les quarts de finale de la Ligue des champions), son image se dégrade, au moins chez les leaders d’opinion. Main de Thierry Henry contre l’Irlande, jeu médiocre, clubs touchés par la crise financière, violence de ses supporters, procès des transferts douteux du PSG : pas une semaine sans que le petit monde du ballon rond ne donne du grain à moudre aux éditorialistes, blogueurs et autres animateurs de talk-show. A l’évidence, le secteur, qui se définit pourtant aujourd’hui comme une véritable industrie, ne sait pas organiser sa communication pour canaliser ses dérives. Si les réactions à la mort récente d’un supporter du Paris Saint-Germain ont été dignes, fermes et d’une parfaite cohérence, le traitement de dossiers pourtant moins sensibles a laissé à désirer.
Equipe de France : le cas Domenech
« Il y a trop […] de choses autour de mon équipe qui la polluent » : lundi dernier sur le site de la Fifa, la Fédération internationale de football, Raymond Domenech a une fois de plus joué les victimes. L’homme le plus contesté, sinon détesté de France le reconnaissait volontiers dans une interview accordée fin 2009 à Lexpress.fr : « Je ne suis pas payé pour communiquer, mais pour que les Bleus aillent le plus loin possible. Je pense être un bon communicant interne […]. A l’extérieur, si c’est nécessaire, je m’exprime. Si ça ne l’est pas, je coupe. Et si cela ne sert pas l’équipe, je m’en fous. » Provocateur assumé, il ajoute : « En conférence de presse, je pratique une forme d’agressivité, je le reconnais. Je fais un peu d’humour, je joue parfois les cyniques […] pour ne pas exposer mes joueurs. » Au mépris à la fois des instructions que lui a données la Fédération française de football (FFF), après la désastreuse campagne de l’Euro 2008, et de l’impact social de l’équipe de France. Un impact qui a d’ailleurs poussé Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Sports, à demander à la fédération de revoir son fonctionnement, et le député François-Michel Gonnot (UMP) à réclamer la tête de l’entraîneur.
FFF : les maladresses du président…
Technicien soucieux de protéger ses joueurs contre les médias, Domenech n’est pas un bon communicant. Soit. Mais le problème est que l’instance qui l’emploie, et qui agit par délégation de service public, n’est pas meilleure dans l’exercice. Son président, Jean-Pierre Escalettes, a multiplié les maladresses. Fin 2009, il renouvelle sa confiance au sélectionneur en place, puis, début 2010, annonce partir en quête de son successeur, prévoyant de donner son nom avant le 11 juin. Est-il raisonnable de créer une situation intenable pour le futur entraîneur, dont toute la presse sollicitera un commentaire sur le travail de celui qu’il va remplacer pendant la compétition ? Le président de la FFF a aussi donné une liste de favoris : Laurent Blanc, Didier Deschamps, Jean Tigana… La meilleure façon de mécontenter ceux qui n’ont pas été cités et de mettre mal à l’aise les intéressés vis-à-vis de leurs employeurs actuels, à commencer par l’ombrageux Nicolas de Tavernost, patron de M6 et propriétaire des Girondins de Bordeaux, en contrat avec Laurent Blanc. « Gouverner, c’est prévoir. Mais, dans certaines situations délicates, la bonne communication, c’est de ne rien dire », commente un élu de la fédération. La même fédération qui, à la rentrée 2008, lançait une campagne de communication avec le publicitaire Franck Tapiro afin de rapprocher le public de l’équipe de France. Campagne dont on constate l’efficacité à chaque match…
… et les imprécisions du vice-président
Le 18 décembre 2009, à la fin de la conférence de presse durant laquelle il confirme Raymond Domenech à son poste, Jean-Pierre Escalettes passe la parole à Noël Le Graët, son vice-président en charge des affaires économiques. Celui-ci annonce le renouvellement des principaux contrats économiques de l’institution pour les quatre prochaines années : 30 millions d’euros de recettes annuelles apportées par le Crédit Agricole, GDF Suez, le PMU et autres Carrefour. La présentation est floue, le rang de chacun des partenaires n’étant pas bien détaillé, et expédiée en un quart d’heure. Aucun partenaire n’est présent, aucun logo n’est montré. Le vice-président affirme également que la fédération a prolongé son contrat de diffusion avec TF1 à raison de 11 matchs par an au prix de 45 millions d’euros annuels, soit environ 4 millions par match. Las ! Deux mois plus tard, on apprendra que lors des deux premières années de l’accord, le compte n’y sera pas. M6 a, en effet, acheté sur le marché deux rencontres disputées à l’étranger (en Roumanie et au Luxembourg), et en convoite trois autres. On passe d’un coup de 45 millions d’euros annuels à 40, voire 35 millions. Noël Le Graët a oublié de préciser qu’il n’avait en réalité vendu à la Une que les matchs se déroulant en France, les seuls dont la FFF possède les droits, et qu’elle ne s’était engagée pour les autres que sur une clause de « best effort » !
Ligue : silence sur les finances
Du côté des pros, à la Ligue de football professionnel (LFP), on se gausse parfois des confusions de son instance de tutelle. Mais on ne fait pas beaucoup mieux. L’annulation du match OM-PSG n’est annoncée que le jour même, alors que les turbulents supporters parisiens sont déjà sur la Canebière. Et, alors que les clubs se battent pour obtenir la compensation du fameux droit d’image collective supprimé par le gouvernement, le bilan 2008-2009 de la Direction nationale du contrôle de gestion, qui révèle 33 millions de pertes globales pour 2008-2009 et une prévision de déficit de 100 millions pour la saison en cours, ne fait l’objet d’aucune conférence de presse. Pourtant, l’écho donné à la fragilité financière des clubs ne pouvait que servir leurs intérêts vis-à-vis des pouvoirs publics.
La gouvernance en question
Confortés par les chiffres des audiences TV et des sondages (la dernière enquête KantarSport indique que, en janvier 2010, 47 % des Français se disaient intéressés par le football, soit 4 % de plus qu’en 2009), les dirigeants du ballon rond français croient que la popularité de leur sport les protège de tous les aléas. « C’est un problème de gouvernance, assure l’ancien directeur général d’un club en vue. La fédération est dirigée par des bénévoles issus du monde amateur et la Ligue, dont la présidence ne peut statutairement échoir qu’à un indépendant, par un brillant avocat à la Cour de cassation (Frédéric Thiriez, NDLR), lui aussi bénévole mais, de fait, très éloigné de la réalité de la vie d’un club professionnel. A titre de comparaison, la Premier League anglaise est une structure commerciale dirigée par de vrais professionnels du foot business. » En somme, la mauvaise com du ballon rond français serait le reflet d’un certain amateurisme.
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